Bora Bora, plage de Matira au sud de l’île. Tranquillement attablés pour le déjeuner sur le ponton de notre bungalow, nous observons le retour d‘un joli poti marara, en profitant de la vue sur le paisible lagon. C’est le bateau de pêche polynésien pourvu d’un poste de commande à l’avant et d’un manche à balai en guise de gouvernail. Il permet au capitaine de piloter d´une main habile en laissant la seconde manier le harpon. Rapide et maniable grâce à sa coque en V, utilisé pour la pêche côtière ou pour la haute mer, il permet de pêcher seul en toute sécurité. Une soudaine agitation sur la plage attire notre attention. Les enfants lancent des cris de joie, les adultes s’interpellent, un attroupement se forme. Nous décidons d’aller mettre notre grain de sel et munis de l’appareil photo, nous arrivons sur les lieux de l’attraction. C’est un retour de pêche et pas n’importe lequel. C’est Mario, le dynamique chef des pompiers de Bora à la retraite et passionné de pêche. Il a ramené aujourd’hui une des plus grosses prises qu’il ait jamais faite. L’objet de sa fierté : un gigantesque espadon. Quatre cent soixante kilos pour plus de trois mètres. Mais l’affaire n’a pas été simple pour ce pêcheur solitaire qui nous raconte son aventure. Quatre heures du matin, avant le lever du soleil, Mario s’éloigne tranquillement aux commandes de son bateau. Il s´aventure dans la houle lointaine et pas toujours docile du Pacifique et bien des miles plus loin, fait une pause matinale pour admirer l'aube naissante en savourant son café. Puis la pêche commence. Mahi mahi (daurade coryphène), bonite, haura (espadon), tout est possible. Mais aujourd’hui ça sera la pêche à l’espadon. Un grand mâle se laisse tenter par l’hameçon proposé par Mario, le confondant sûrement avec un poulpe. Il est énorme. Notre pêcheur aguerri comprend vite qu’il faudra le mériter. Il va devoir lutter longtemps pour fatiguer sa proie. Le combat est rude, y compris pour un homme d’expérience. Il durera deux heures. Mario l’emportera sur l’animal mais ne pourra pas le ramener seul. Son fils arrive à la rescousse. Le poisson trop gros pour être remonté dans le bateau est fixé sur les flancs pour le retour au lagon. Mais la bataille n’est pas terminée. Elle sera livrée contre les requins qui dès le départ s’en prennent au butin. Mario doit faire vite s’il ne veut pas ramener une arrête. Il harponne l’un d’entre eux et le livre en pâture à ses congénères délivrant ainsi sa prise des dents impitoyables des squales affamés. L‘excitation règne sur la plage. Les photographes amateurs impressionnés, immortalisent la scène à grand renfort de photos et de films. Mario pose fièrement. Il y a de quoi. Mais il ne faut pas traîner. Une fois les félicitations d’usage dispensées au champion, la bête sera hissée sur un portique, pesée, photographiée puis, débitée sur place, sur l’établi dans la mer prévu à cet effet. Ce dernier aura du mal à résister au poids de l’animal. Mario, aidé de sa famille et de son grand couteau, découpe toutes les parties du corps aussitôt placées dans des glacières et emportées pour la vente. Les clients, avertis par le bouche à oreille ou les réseaux sociaux affluent sur le sable blanc et repartent enchantés avec leur part de butin. Quelques heures plus tard, les poulies grincent, le bateau remonte sur son tavere (portique) près de la queue du grand mâle restée là en trophée. Mario se retire, le calme revient, le soleil se couche, la journée de pêche a pris fin.
Retour de pêche
Dernière mise à jour : 5 sept. 2023
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